
Où en est la recherche sur la trisomie 21 ?
A l’occasion de la journée mondiale de la trisomie 21, le 21 mars, Jacqueline London, professeure émerite au laboratoire BFA (Paris Diderot/CNRS) et fondatrice de l’association française pour la recherche sur la trisomie 21 (AFRT), nous parle des recherches menées sur cette maladie.
Quels sont les axes de recherche sur lesquels vous travaillez ?
Jacqueline London : La recherche que nous effectuons est à la fois clinique et fondamentale. Nous nous attachons à plusieurs aspects et notamment au bien-être des personnes. Ainsi nous travaillons sur la problématique du sommeil sous deux angles différents. D’une part, les apnées qui sont en partie dues à une anomalie de la sphère oro-faciale et à un problème neurologique. Nous subventionnons un travail pour créer un nouvel appareil de mesure utilisable en ambulatoire afin d’éviter les hospitalisations. D’autre part, la fragmentation du sommeil, qui se retrouve dans toutes les déficiences intellectuelles et pathologiques de vieillissement neuronale (Alzheimer, Parkinson par exemple). Les problèmes occulaires sont également un sujet de recherche important car la trisomie 21 engendre très souvent des problèmes de vision, qui sont très peu pris en charge. En vieillissant, des cataractes précoces ou d’autres maladies oculaires tels les glaucomes, les kératocones se développent. Autre sens, impacté : l’audition. Les personnes avec trisomie 21 ont souvent fait des otites à répétition quand elles étaient enfants, leur conférant parfois une surdité partielle ce qui nécessite qu’elles puissent être appareillées et bénéficier d’un suivi médical. Des études sont également faites en dermatologie car ils ont la peau très sèche. La dentition est un champ de recherche encore peu exploré qu’il faudra prendre en considération. Il y a également une tendance à l’obésité. Des programmes de nutrition existent mais ceux-ci doivent s’accompagner d’une pratique sportive. L’espérance de vie a beaucoup augmenté (65-70 ans environ) car contrairement aux idées reçues, les personnes avec trisomie 21 ne souffrent pas de problèmes cardiovasculaires.
Nous nous intéressons également à la place des personnes avec trisomie 21 dans notre société. Celle-ci passe par l’insertion scolaire en leur permettant d’aller à l’école. La grande victoire est la mise en place d’aide à la vie scolaire pour les enfants avec trisomie 21 initiée par une petite assocaition « Grandir à l’Ecole » et reprise par Trsiomie 21 France, qui bénéficie désormais aussi aux enfants avec un syndrome autistique. Autre sujet sociétal, la prise en charge de la sexualité et la contraception. Ce sujet est encore tabou et nous sommes très en retard en France sur cette question.
Quelles sont les avancées récentes de la recherche sur la trisomie 21 ?
J. London : La recherche clinique se concentre sur deux aspects le vieillissement accéléré de tous les organes et le cancer. Il y a en effet une incidence bien plus élevée sur les cancers lymphoïdes, types leucémies, surtout chez l’enfant, mais il y a peu d’incidence sur les cancers qui se développent avec le vieillissement (indépendamment des mutations) comme le cancer du sein, des ovaires, des poumons ou de la prostate. Il est très intéressant de comprendre pourquoi il y a plus de cas de leucémies.
Un champ de recherche très important est la relation entre maladie d’Alzheimer et trisomie 21 et la mise en évidence de marqueurs précoces ( travail du Pr. Nathalie Janel à BFA et de Marie-Claude Potier à l’ICM).
Quelles sont les liens entre la trisomie 21 et la Maladie d’Alzheimer ?
J. London : Alois Alzheimer avait déjà vu sur les cerveaux les mêmes défauts anatomiques chez les personnes avec trisomie 21. Les caractéristiques biochimiques sont en effet les mêmes et il se trouve que des protéines sur le chromosome 21 a un rôle dans le développement de la sénilité, notamment APP et DYRK1A, qui ont un lien avec le déclenchement de la maladie d’Alzheimer. Tout ce qu’on comprendra grâce à ces gènes sur le chromosome 21 servira pour la population générale. Il y a deux groupes en France qui travaillent sur ce sujet, un à l’université Paris Diderot et un autre à la Pitié Salpêtrière. Au laboratoire BFA a été montré qu’il est possible d’inhiber DYRK1A pour augmenter les fonctions d’apprentissage des souris. Ce travail a conduit a un essai clinique en Espagne publié en juin 2016 montrant l’efficacité de la stimualtion cognitive et du traitement avec ce composé (EGCG) pour augmenter d’une part les fonctions cognitives des personnes avec trsisomie 21 et d’autre part leur autonomie dans la vie quotienne.
Pendant longtemps, la trisomie 21 n’a pas été considérée comme une maladie mais comme un handicap. On revient sur cette définition en démontrant le lien avec la Maladie d’Alzheimer et parce qu’il y a beaucoup de fonds pour cette recherche.
Parmi les dernières recherches en cours, certaines essayent d’ « éteindre » certains gènes du chromosomes 21, voire le chromosome en entier. En effet, le mécanisme d'inactivation du chromosome X chez la femme est désormais mieux connu et pourrait être appliqué au chromosome 21. Aux Etats-Unis, une étude a montré que cela fonctionne sur les animaux ce qui constitue une piste extraordinaire.
En résumé, toute avancée en recherche biomédicale et sociétale pour un mieux être des personnes avec trisomie 21 sera un progrès pour d’autre déficiences et pour la société dans son ensemble.
Contacts AFRT :
UFR Sciences du Vivant
université Paris Diderot
Case 7088
35, rue Hélène Brion
750115 Paris Cedex 13
www.afrt.fr
01.57.27.83.61 - 06.77.78.01.66